Exposition universelle de Dubaï : l’image de marque écornée des Émirats arabes unis

L’exposition universelle de Dubaï ouvrira le 1er octobre aux Émirats arabes unis. Mais la mansuétude dont le pays a longtemps bénéficié est en train de s’estomper.

Ses violations des droits humains, son utilisation de l’espionnage contre ses opposants, y compris à l’étranger, et ses interventions militaires suscitent de plus en plus de critiques.

Au cours des deux dernières décennies, les Émirats arabes unis (EAU), aidés par certaines des plus grandes sociétés de conseil et d’affaires publiques au monde, ont mené l’une des campagnes de relations publiques les plus réussies, si ce n’est la plus réussie du Proche-Orient.

Cette campagne s’est appuyée sur des initiatives technologiques et économiques de pointe, une politique étrangère audacieuse et affirmée, soutenue par la puissance financière et militaire des EAU, un certain degré de diversification économique par rapport au pétrole, des politiques socialement libérales qui en font la destination attractive pour les jeunes Arabes et les expatriés non arabes, l’adoption de valeurs de tolérance religieuse et le positionnement en tant que point de transit essentiel des efforts d’aide humanitaire mondiaux.

Interventions en Libye et au Yémen

Longtemps, cette image de marque a permis de détourner les critiques concernant le bilan terni des Émirats en matière de droits humains, la surveillance intrusive des voix dissidentes, des journalistes, des universitaires et des militants émiratis et non émiratis aux Émirats et ailleurs, les critiques concernant le soutien apporté aux milices en Libye et au Yémen et aux sociétés militaires privées russes en Libye, et la volonté d’encourager l’islamophobie en faisant pression en Europe en faveur d’une répression de l’islam politique non violent.

Cependant, une série d’échecs au cours des dernières semaines fait planer le spectre de l’effritement de la campagne de plusieurs millions de dollars menée par les EAU depuis des décennies, quinze ans après avoir tiré les leçons d’une débâcle survenue en 2006, lorsque DP World, détenu par Dubaï, a cherché à acquérir la Peninsular and Oriental Steam Navigation Company (P&O).

Cette acquisition avait suscité une controverse pour des raisons de sécurité nationale aux États-Unis. Nombreux sont ceux qui avaient remis en question le transfert de la gestion de six grands ports américains à une société du Proche-Orient dans le cadre du rachat. Un débat humiliant a contraint DP World à vendre la partie américaine de l’acquisition à une société américaine de finance et d’assurance, qui assurera la gestion des ports.

Depuis, le Parlement européen, qui compte 705 membres, a voté au début du mois de septembre 2021, par 383 voix contre 47, une résolution exhortant les États membres de l’Union européenne (UE) et les sponsors internationaux potentiels à boycotter l’Expo 2020 de Dubaï, qui s’ouvre le 1er octobre, « afin de signaler leur désapprobation des violations des droits humains dans les Émirats arabes unis ». La résolution non contraignante demande également la libération immédiate des militants émiratis emprisonnés Ahmed Mansour, Mohamed Al-Roken et Nasser Ben Ghaith. Elle note en outre que les Émirats violent les droits des femmes, des travailleurs étrangers et des prisonniers, malgré des progrès significatifs, du moins en ce qui concerne les droits des femmes.

De même, un an après avoir établi des relations diplomatiques avec Israël — l’État hébreu s’engageant à suspendre indéfiniment l’annexion de certaines parties de la Cisjordanie — les Émirats n’ont pas fait grand-chose pour prouver que cette initiative audacieuse contribuerait à une résolution pacifique du conflit israélo-palestinien. Le premier ministre israélien Naftali Bennett a récemment signalé son désintérêt pour la négociation d’un règlement et son opposition à la création d’un État palestinien indépendant, dans son discours prononcé fin septembre devant l’Assemblée générale des Nations unies. Bennett n’a pas prononcé une seule fois le mot « Palestine » et n’a évoqué les questions liées à la Palestine que dans le contexte de la menace que représentent le Hamas et le Djihad islamique dans la bande de Gaza.

Réserves israéliennes

De même, les espoirs des EAU d’exporter du pétrole vers l’Europe via un oléoduc israélien se sont heurtés à des obstacles israéliens liés au risque environnemental. Le gouvernement de l’ancien premier ministre israélien Benyamin Nétanyahou avait approuvé un accord entre la société publique israélienne Europ Asia Pipeline Company et un consortium israélo-émirati pour pomper le pétrole des EAU du port d’Eilat sur la mer Rouge, jusqu’à Ashkelon sur la Méditerranée, d’où il serait expédié en Europe. Mais l’Autorité israélienne pour la nature et les parcs, des groupes environnementaux, des scientifiques et des résidents locaux s’opposent au projet, craignant que la plus grande catastrophe environnementale d’Israël, provoquée il y a six ans par une fuite de l’oléoduc, ne se reproduise. Des milliers de personnes ont signé une pétition contre l’accord et des centaines ont manifesté vendredi dernier à travers Israël.

Le ministre des affaires étrangères Yair Lapid, dont la maison de Tel-Aviv était l’un des cinquante lieux ciblés par les manifestants, a déclaré que le gouvernement enquêtait sur l’accord. « Les EAU, les ministères concernés, les organisations environnementales veulent être sûrs qu’un examen approfondi, profond et sérieux a été effectué avant que des décisions ne soient prises. Nous veillerons à ce que personne ne tente d’approuver une décision en catimini pendant que l’examen se poursuit », a déclaré Lapid.

L’image des EAU a été ternie à plusieurs reprises par des allégations selon lesquelles ils auraient utilisé des logiciels israéliens et employé d’anciens responsables du renseignement américain pour espionner leurs détracteurs émiratis et non émiratis. Ces allégations ont pris de l’ampleur avec l’aveu au ministère américain de la Justice, par trois anciens agents des services de renseignement, qu’ils avaient mené des opérations de piratage pour le compte des EAU, l’inculpation de Thomas J. Barrack, le chef du comité d’investiture de l’ancien président Donald J. Trump en 2016, accusé de ne pas s’être enregistré en tant qu’agent étranger pour le compte des EAU, ainsi que de nouvelles preuves de l’espionnage des dissidents émiratis au Royaume-Uni.

Des agents d’influence aux États-Unis

Selon Bloomberg News, l’acte d’accusation contre Barrack indique qu’il a travaillé pour plusieurs hauts responsables émiratis, dont le prince héritier Mohamed Ben Zayed (MBZ), son frère, Cheikh Tahnoun Ben Zayed, conseiller à la sécurité nationale des EAU, et Ali Mohamed Hammad Al-Shamsi, directeur des services de renseignement émiratis. Bloomberg rapporte que l’acte d’accusation mentionne également Yousef Al-Otaiba, l’ambassadeur des EAU aux États-Unis, mais ne l’identifie que comme le « fonctionnaire émirati 5 ». Aucun des responsables émiratis mentionnés dans l’acte d’accusation n’a été inculpé d’un quelconque acte répréhensible. Barrack a plaidé non coupable.

Fin septembre, le bilan des EAU en matière de droits humains a fait l’objet d’un débat public en Australie à la suite d’un documentaire de « Four Corners », un programme phare du diffuseur public ABC. S’intéressant aux propriétaires étrangers de clubs de football australiens, dont l’Émirati Cheikh Mansour Ben Zayed, un frère du prince héritier des EAU dont la franchise a acquis le Melbourne FC, « Four Corners » a consacré la moitié de son émission de 42 minutes à remettre en question le bilan émirati, sur au moins une décennie.

Un diplomate européen confie :

« Les Émirats arabes unis ont bénéficié d’une période étonnamment longue au soleil, mais les nuages commencent à s’amonceler. Il y a des choses que les EAU pourraient faire pour éloigner les nuages, mais il y a peu d’indications qu’ils sont prêts à le faire. Ils pensent peut-être que les inquiétudes sur leurs agissements se dissiperont à mesure que l’influence de la Chine et de la Russie s’accroîtra. Cela pourrait être vrai, mais le contraire peut aussi bien l’être. »

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James M. Dorsey

Senior fellow à la Rajaratnam School of International Studies de Singapour, co-directeur de l’Institut pour l’étude de la culture des « fans » de l’université de Würzburg (Allemagne), auteur du blog The Turbulent World of Middle East Soccer, d’un livre avec le même titre, de Comparative Political Transitions between Southeast Asia and the Middle East and North Africa (Palgrave Macmillan, 2016) co-écrit avec Teresita Cruz-Del Rosario. Shifting Sands, Essays on Sports and Politics in the Middle East and North Africa est son dernier ouvrage (World Scientific, janvier 2018).

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